Port du casque à vélo obligatoire, le retour ?

Faut-il rentre le casque obligatoire à vélo ? S’il l’est déjà pour les enfants de moins de 12 ans et pour les utilisateurs de trottinettes hors agglomération, une proposition de loi discutée jeudi 13 janvier 2022 au Sénat a relancé le débat. Le texte visait à rendre le casque obligatoire pour tous les conducteurs de deux-roues, motorisés ou non, une proposition à laquelle sont opposés la plupart des représentants du secteur qui la jugent contre-productive.
« Il faut encourager fortement le port du casque et trouver le bon équilibre entre volontarisme et prudence, sans risquer de décourager la pratique », a souligné le rapporteur du texte.
Alors que la pratique du vélo explose et que seul un tiers des cyclistes porte un casque pour le moment, selon l’Observatoire de la Sécurité routière, un groupe de sénateurs centristes menés par François Bonneau souhaitait rendre le casque obligatoire pour « tout conducteur d’un véhicule à une ou plusieurs roues, qu’il soit à moteur ou à assistance électrique, ainsi qu’à tout conducteur de cycle », sous peine d’une amende de 135 euros.
« Près de deux tiers des cyclistes mortellement accidentés avaient 55 ans et plus en 2019 » et « le traumatisme crânien est la cause principale de décès chez les cyclistes », soulignait le sénateur dans sa proposition.

Certes, la fréquence d’accidents mortels parmi les cyclistes portant un casque, en agglomération à l’échelle de la France métropolitaine, apparait plus de 3 fois plus élevée que celle des cyclistes ne portant pas de casque en moyenne sur les 4 années d’étude. Compte-tenu de la forte efficacité du casque pour réduire les traumatismes crâniens en cas d’accident à vélo, cette surmortalité est donc liée à une fréquence d’accidents beaucoup plus élevée chez les cyclistes casqués et affectant d’autres organes que la tête.
En effet, des études valident de façon expérimentale la théorie de compensation du risque sur l’un des facteurs de risque (la vitesse, par exemple), c’est-à-dire que le cycliste casqué prendrait consciemment ou non, davantage de risques. Par ailleurs, les automobilistes voyant un cycliste casqué penserait, consciemment ou non, que le cycliste est davantage protégé et serait moins soucieux de sa conduite vis-à-vis de celui-ci.

Jérôme Durain explique le rejet par le Sénat de la PPL casque obligatoire par Public Sénat
« Il semble que ce soit une fausse bonne idée », a réagi Françoise Rossignol présidente du Club des villes et territoires cyclables, lors d’une conférence de presse. « La sécurité est liée à la vitesse des autres véhicules, à la visibilité (des vélos), et à un nombre d’aménagements indispensables pour la sécurité sur le parcours », a-t-elle expliqué, estimant par ailleurs que « pour qu’il y ait plus de vélos, il ne faut pas mettre de frein à la pratique ».
Un avis largement partagé par les associations d’utilisateurs, à l’instar de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) qui indique sur son site être « résolument opposée » à toute loi qui interdirait de circuler à vélo sans casque. « Les études étrangères qui se sont intéressées aux modifications de comportements suite à l’obligation du port du casque concluent toutes à une diminution du nombre de cyclistes », souligne la FUB, citant les exemples du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. « En revanche, le nombre de blessés ne diminue pas autant que l’on s’y attendait », poursuit l’association.

La proposition de loi a été mise en échec jeudi. Le texte, qui n’avait pas été adopté en commission, était examiné en première lecture dans l’hémicycle dans le cadre d’un espace réservé au groupe centriste. L’auteur de la proposition de loi, François Bonneau, l’a retirée à l’issue de la discussion générale et elle n’a donc pas été soumise au vote du Sénat.
La commission a toutefois invité le gouvernement à envisager de rendre obligatoire le port du casque au moins pour les trottinettes électriques, hoverboards et gyropodes. « Le danger de circuler à bord de ces engins est avéré, et les utilisateurs semblent y être favorables », souligne Jérôme Durain.
« Le gouvernement privilégie l’incitation à l’obligation », a affirmé de son côté Marlène Schiappa, ministre chargée de la Citoyenneté. « Ne risquons pas de provoquer un rejet en adoptant une législation contraignante », a-t-elle ajouté, soulignant que le port du casque « est en constante augmentation ». Dans les grandes agglomérations, « 27% des cyclistes » le portent en semaine, « 37% le week-end », a-t-elle assuré.
L’écologiste Jacques Fernique a pointé dans ce texte « une fausse bonne idée ». « Les vrais leviers de sécurité concernent l’adaptation de la voirie, la limitation de la vitesse, l’apprentissage du savoir-rouler et le travail sur les angles morts – au-delà d’un simple autocollant ! », a-t-il ajouté.

Sources : Orange Actus et 3èmes Rencontres Francophones Transport Mobilité le 3 juin 2021 (article de Benoit Carrouéea, Gwénaël Jouvinb, José Le Moignec, Pierre Touloused)